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Perspectives et paroles des jeunes de la région

perspectives et paroles des jeunes de la région

Le poids des fourmis de David Paquet, pièce récipiendaire du Prix littéraire du Gouverneur Général 2022 (section Théâtre) et présentée le 3 novembre dernier à Carleton, a suscité l’engouement du public gaspésien, notamment des jeunes de la région. En effet, les thématiques et le ton du spectacle ont fortement interpellé les élèves de secondaire cinq (Carleton, Bonaventure et Matapédia) et du Cégep (Carleton) y ayant assisté.  

Préalablement, ces derniers ont pu bénéficier d’une série d’ateliers de médiation culturelle*, du 25 octobre au 2 novembre, afin de les préparer adéquatement et de faciliter leur contact avec Le poids des fourmis.

La formatrice Josiane Proteau a exploré avec les étudiant·e·s la notion de prise de parole revendicatrice qui est centrale dans la pièce de David Paquet. Elle leur a demandé de réfléchir et d’écrire leur propre phrase-choc.

Nous avons été touchés par leur vivacité d’esprit et leur capacité à prendre position. C’est pourquoi nous tenons à partager leurs paroles et leurs regards sur ces enjeux qui les concernent plus que quiconque. 

Voici quelques-unes de leurs phrases, en lien avec les 3 thématiques suivantes  : 

l’accès à l’éducation 

l’environnement

l’engagement citoyen

J’ai vendu un rein pour payer ma session en médecine!

Mon corps n’est pas une distraction pour l’apprentissage des garçons. 

Comment veux-tu que j’aille à l’école si on n’est même pas capable d’avoir des profs?

Pourquoi ta couleur de peau t’empêche d’avoir un diplôme?

Au lieu de dire aux filles comment s’habiller, éduquez vos fils. 

L’argent ne définit pas le potentiel académique d’un individu.

J’ai peur que la planète meure avant moi. 

Les chats ont 9 vies, pas la forêt. 

Les glaces fondent, la société s’effondre. 

C’est le fun passer l’Halloween en manches courtes, mais la planète elle en dit quoi?

Polluer la planète c’est mettre le feu à notre propre maison. 

La planète n’est pas une source de revenus. 

Les tortues s’étouffent avec votre inconscience. 

La Terre ne nous appartient pas. Nous appartenons à la Terre.

La vraie violence, c’est les riches qui décident que les pauvres doivent rester pauvres. 

Les produits de contraception et d’hygiène féminine devraient être gratuits et à disposition partout dans le monde et en tout temps! 

Les soignants sont fragilisés, les patients sont en danger. 

Notre futur dépend d’un gouvernement élu par des gens qui sont à’ veille de mourir!

Pour la CAQ, garder le mode de scrutin actuel c’est prouver qu’elle tient plus au pouvoir qu’au bien-être de la société québécoise (votez QS!) 

*Ce projet culture-éducation fut élaboré en partenariat avec le Centre de services scolaire René-Lévesque.

La critique d'un étudiant

Nous souhaitons également vous partager une critique du spectacle, rédigée par un étudiant de la polyvalente Antoine-Bernard de Carleton : Rafael Figueroa St-OngeCet apprenti comédien de 15 ans, très impliqué avec la troupe de théâtre Le Clan Destin, a été bouleversé, secoué et inspiré par Le poids des fourmis et a accepté de nous envoyer sa rétroaction écrite. 

Rafael se passionne pour l’improvisation, l’interprétation et l’écriture depuis le début de l’école primaire. Récemment, il a été stagiaire au Théâtre À tour de rôle, lors de la saison estivale 2022, et a participé au camp de l’École nationale de théâtre du Canada. Il est l’un des 15 jeunes, parmi plus de 200, à avoir été choisi à travers le Canada.

Merci Rafael pour ta passion du théâtre, ton regard aiguisé et bravo pour ce texte éclairant.

Le poids des fourmis… par où commencer…  

Comment vous construire une place, dans ce monde surpeuplé? Comment votre voix peut être entendue si vous n’êtes pas le seul à crier? Savez-vous que les dents humaines sont les seules parties du corps qui ne peuvent pas guérir? Comment être heureux? Comment voir de la beauté dans la bêtise et tout de même avoir de l’espoir pour l’avenir?

Le poids des fourmis… par où commencer?  

Jeanne, une adolescente qui résiste de façon colérique à la société injuste dans laquelle elle baigne, doit faire équipe avec Olivier, un adolescent qui résiste timidement à la société anxiogène dans laquelle il baigne. Le duo est poussé à se présenter aux élections scolaires et est forcé à faire face aux adultes qui contredisent constamment leur vision.  

Le poids des fourmis… commençons.  

La mise en scène, signée Philippe Cyr, nous livre une explosion d’émotions en tout genre, condensée en 1 heure et 15 minutes de pur théâtre. Pour débuter, un véritable feu d’artifice visuel est présenté au public, mélangeant sonorités et jeux de lumière captivants, créant une expérience sensorielle inusitée. La production transmet l’émotion de chaque scène avec brio, pouvant passer de la festivité au désespoir simplement avec l’art audiovisuel. Sans oublier la scénographie qui, énigmatique par sa finesse, permet également au public de déduire sa propre interprétation du décor. La scénographe Odile Gamache a créé une véritable œuvre d’art métaphorique qui mérite d’être découverte dans son entièreté. En bref, chaque seconde de ce spectacle pourrait être photographiée et exposée dans un grand musée d’art.  

Jouer la comédie est une autre forme de travail et les comédien·ne·s du Poids des fourmis la maîtrisent visiblement. Le duo Dominique Quesnel et Philippe Cousineau, en tant qu’adultes agaçants, marche étonnamment bien. Jouer plusieurs personnages uniques en leur genre est une tâche sous-estimée et ceux-ci sont interprétés avec un humour qui allège le ton de la pièce. Malgré certains moments quelque peu surjoués, la présence de comédien·ne·s plus expérimenté·e·s s’ajoute aux qualités de la pièce. En parallèle, les deux jeunes, incarnés par Élisabeth Smith et Lou Savoie-Calmette, portent sur leurs épaules une grande partie de l’œuvre. Pourtant, et malgré leur jeune âge, ces comédien·ne·s accomplissent ce pari tout en trouvant de la nuance dans leurs personnages. Rien n’est tout noir ni blanc. Un adolescent timide peut cacher une facette d’activiste frustré autant qu’une adolescente peut camoufler son inquiétude du monde actuel sous sa colère. Ces dilemmes intérieurs sont compris par les interprètes qui livrent, par le fait même, une performance phénoménale.  

Saviez-vous que si toutes les fourmis sur Terre se regroupaient, elles seraient plus lourdes que tous les humains réunis? Moi non plus.  

Une chose est sûre : David Paquet sait manipuler les mots pour en faire de l’or. L’auteur manie l’humour avec autant d’aisance que le drame, élément indispensable pour tout bon dramaturge. Le tout saupoudré de protagonistes hauts en couleur transmettant un message venant du cœur, ce qui crée inévitablement un récit mémorable. Le style narratif de cette production est juste assez éclaté pour se détacher de la réalité, mais reste suffisamment inspiré du réel pour que le public l’identifie aux éléments de sa vie quotidienne. Bien que l’histoire prenne place dans une école où des licornes et des ninjas cohabitent, l’établissement comprend des publicités misogynes bien présentes dans notre culture. De nombreux éléments similaires sont présents dans le récit et cela démontre la vision du monde qu’on nous présente. Rien n’est tout noir ni blanc. Un directeur peut être aigri et malcommode tout en ayant une relation tristement profonde avec sa mère. Les personnages ont un équilibre de qualités et de défauts qui les rend plus humains.  

Certains sortiront de cette pièce avec le sentiment que tout est perdu, que la planète décèdera dans nos mains et que les appels à l’aide des activistes seront toujours noyés sous la parole des gens niant cette triste réalité. Mais d’autres, plus futés, repartiront avec de l’espoir. De l’espoir que les différentes générations s’entraideront pour mieux s’écouter. De l’espoir que notre société défaillante sache se remettre sur le droit chemin et apprendre de ses erreurs. De l’espoir que réunies, les petites fourmis que nous sommes puissent créer un poids inimaginable. Un poids capable de changer les choses.   

Rien n’est tout noir ni blanc, mais il est préférable de se tourner vers la lumière.  

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